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L’oléoduc Niger-Bénin : Une analyse subalterne des enjeux socio-économiques et du développement local
Le projet de construction du plus long oléoduc d’Afrique, reliant le Niger au Bénin, est l’un des projets d’infrastructure les plus ambitieux du continent. Financé à hauteur de 45 milliards d’euros et mené par la West African Oil Pipeline Company – Bénin (WAPCO-Bénin), une filiale de la China National Petroleum Company (CNPC), il vise à renforcer les capacités énergétiques de la région et à dynamiser les échanges économiques entre les deux pays. Cependant, ce projet suscite des préoccupations au sein des communautés locales, notamment dans le nord du Bénin, qui risquent d’être directement affectées par la construction de l’oléoduc. Cet article, co-rédigé par Kamal Donko, Ramanou Y.M.A. Aboudou et Martin Doevenspeck, adopte une perspective subalterne pour analyser les impacts socio-économiques de ce projet, en mettant en lumière les perceptions et les défis rencontrés par les populations locales dans ce processus de développement.
Le projet de l’oléoduc, d’une longueur impressionnante, traverse plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, dont le Niger et le Bénin. Son objectif principal est d’acheminer le pétrole brut extrait du Niger vers le port de Cotonou, au Bénin, pour faciliter son exportation vers les marchés internationaux. Le financement, estimé à 45 milliards d’euros, a été soutenu par des investisseurs étrangers, notamment la China National Petroleum Company (CNPC), dans le cadre d’une stratégie d’expansion énergétique en Afrique. Le projet est censé apporter des retombées économiques importantes, telles que la création d’emplois, l’amélioration des infrastructures locales, et la stimulation du commerce entre les pays de la région. Pourtant, derrière ces promesses de développement, des tensions et des contestations émanent des communautés locales qui, bien que les plus touchées, n’ont pas toujours été associées de manière équitable aux décisions concernant le projet.
Une analyse subalterne des impacts socio-économique
Dans le cadre de cette étude, l’approche subalterne choisie par les auteurs permet d’aborder les enjeux socio-économiques du projet à partir de la perspective des communautés locales. La vision dominante des grandes infrastructures de développement tend souvent à ignorer ou minimiser les préoccupations des populations directement affectées, qui sont souvent perçues comme des acteurs passifs dans le processus décisionnel. En revanche, une perspective subalterne permet de mettre en lumière les voix et les préoccupations des communautés locales, qui peuvent parfois être en contradiction avec les discours officiels sur les bienfaits du projet.
Les populations des régions traversées par l’oléoduc, en particulier celles du nord du Bénin, se retrouvent à la croisée des chemins entre des bénéfices économiques tangibles et des pertes significatives, tant sur le plan social qu’environnemental. Si certains acteurs locaux saluent les créations d’emplois générées par la construction de l’oléoduc, d’autres soulignent les impacts négatifs, notamment la perte de terres agricoles, la dégradation de l’environnement et les perturbations dans les modes de vie traditionnels.
Les bénéfices économiques et les tensions sociales
Il est indéniable que le projet a généré certaines retombées économiques positives. La création d’emplois directs et indirects, la compensation financière pour les terres expropriées, et l’amélioration des infrastructures locales (routes, services publics) sont des aspects qui ont été soulignés comme des bénéfices du projet. De plus, le gouvernement béninois espère que ce projet renforcera sa position sur le marché énergétique régional, et qu’il stimulera les investissements étrangers dans d’autres secteurs économiques.
Cependant, ces retombées économiques sont nuancées par des tensions sociales persistantes. L’une des principales critiques formulées par les communautés locales réside dans la gestion des compensations. Beaucoup estiment que les compensations financières ne sont pas proportionnelles à la perte de terres agricoles, source de subsistance pour de nombreuses familles. Le processus de compensation a souvent été perçu comme opaque, avec des retards dans les paiements et des montants jugés insuffisants. Cette situation a engendré des frustrations et des ressentiments parmi les populations qui se sentent lésées par le projet.
De plus, la consultation des populations locales a été largement insuffisante. Les autorités ont été critiquées pour ne pas avoir engagé suffisamment les communautés dans les processus décisionnels, ce qui a alimenté un sentiment de marginalisation et de méfiance envers les décideurs et les entreprises impliquées dans le projet.
Les impacts environnementaux et la contestation locale
Outre les enjeux économiques, les préoccupations environnementales sont également au cœur des débats. Les populations locales s’inquiètent des impacts de l’oléoduc sur leurs terres agricoles, l’accès à l’eau et la biodiversité. En effet, la construction de l’oléoduc nécessite de vastes espaces de terrain, et les risques de pollution liés au transport du pétrole sont un sujet de préoccupation majeur. Les habitants du nord du Bénin, qui dépendent principalement de l’agriculture et de l’élevage pour leur subsistance, craignent que le projet n’aggrave les problèmes d’accès aux ressources naturelles et affecte leur sécurité alimentaire.
Les préoccupations écologiques sont d’autant plus vives que des informations contradictoires ont été diffusées concernant les mesures de protection de l’environnement prises par les autorités et les entreprises responsables du projet. L’absence de transparence dans la gestion des risques environnementaux a renforcé le scepticisme des communautés locales et a conduit à des manifestations et à des protestations contre l’oléoduc.
L’importance d’une gouvernance transparente et participative
À travers l’analyse subalterne, cet article souligne l’importance d’une gouvernance transparente et participative pour la réussite de tels projets d’infrastructure. Pour que le projet d’oléoduc soit véritablement bénéfique, il est impératif que les communautés locales soient pleinement intégrées dans le processus décisionnel. Cela implique non seulement une meilleure consultation, mais aussi une véritable prise en compte de leurs besoins et de leurs préoccupations, notamment en matière de compensation et de protection de l’environnement. Les autorités doivent s’assurer que les décisions ne soient pas prises uniquement au profit d’acteurs externes, mais qu’elles bénéficient réellement aux populations qui sont directement affectées.